Agé de 70 ans, l’actuel Directeur Général Adjoint du Canon Sportif de Yaoundé est un passionné de sport qui a consacré l’essentiel de sa vie pour contribuer à l’évolution du club Camerounais de football le plus capé sur la scène internationale.
« Je serai Canon jusqu’à mon dernier souffle de vie. Je me suis fabriqué moi-même. Mon plus grand diplôme, c’est le Canon car toutes mes connaissances si j’en ai 100, le Canon aura contribué pour 60. Parce que les gens m’ont vu à l’oeuvre et ils me voient jusqu’aujourd’hui. Je ne bois pas. Je ne fume pas. Je dors tôt et je me lève tôt. Je ne mange pas du n’importe quoi. C’est une discipline de vie que je me suis imposé ». Ces propos sont ceux de Roger Ebode, haut cadre au sein du Canon Sportif de Yaoundé. Pourtant, ses débuts dans le club ne présageaient pas un tel avenir. En effet, arrivé dans les années 70 comme un passionné, il se fait facilement adopter par la grande famille du club. « Quand on créer le tout premier Conseil d’administration du Club proposé par Emmanuel Mvé à son retour de Bruxelles, on trouve une belle villa en Nkolndongo pour abriter les locaux. Au cours d’une séance d’entraînement à Anguissa, le feu président Ferdinand Koungou Edima me remet les clés en m’indiquant que c’est moi qui devait m’occuper de cette villa. Après l’entraînement à 18h, tous les administrateurs m’ont amené sur place. Une fois installée, je découvre que la villa dispose de plusieurs espaces inoccupés. Je me suis rapproché quelques jours plus tard auprès du président Koungou Edima pour lui proposer de faire des lits superposés devant permettre aux joueurs de dormir sur place au siège à la veille des matchs. Cette idée a été approuvée à l’unanimité par les membres du Conseil d’administration. C’est comme cela que les joueurs se retrouvaient avant chaque match. Le plus assidu d’entre eux était François Omam Biyik. Je lavais leurs chaussures. Je lavais leurs maillots. Je nettoyais même leurs toilettes. Et j’étais très content de le faire », explique Roger Ebode.
Ce travail acharné lui vaudra la reconnaissance et l’admiration de ses pères qui n’hésitent pas à le lui montrer durant les moments les plus importants de sa vie. « Pour moi, le Canon reste et demeure un devoir de mémoire. Lorsque mon papa décède en 1984, la route d’Okola n’était pas goudronnée. Je n’avais pas de moyens financiers pour faire le deuil. C’est le président Koungou Edima, DGA à l’époque au ministère des Finances qui me donne une Range Rover et 400 milles Fcfa pour aller faire le deuil. J’avais également reçu les contributions de d’autres hauts dignitaires du club. Bref, ce sont eux qui ont enterré mon Papa. La première maison que je construis au village résulte de mes petites économies engrangées au club. Quand, j’ai voulu la tôler, je suis allé voir le feu Koungou qui m’a soutenu. Monsieur Emmanuel Mvé m’avait aussi remis 250 000 Fcfa. En clair, tout ce que j’ai eu comme évènement heureux ou malheureux, la famille du Canon Sportif de Yaoundé a toujours été là pour moi. Donc, quand je travaille pour le club, c’est avec désintéressement. Pour la petite histoire, c’est dans le Canon Sportif de Yaoundé que je prends l’avion pour la première fois. C’était à l’occasion d’un match contre Fédéral du Noun à l’Ouest Cameroun », Indique-t-il.
Progressivement, il étend davantage ses tentacules, devient un acteur majeur et participe à la vie du club. Il raconte l’époque de la grande épopée du Mpa Kum sur la scène continentale vécu comme supporter : « C’était une très belle époque. Si cette époque pouvait même revenir, ce serait une bonne chose. A l’intérieur du club, on avait ce que l’on appelait l’esprit d’équipe avec des supporters sérieux. Ce que vous vivez avec Bamboutos aujourd’hui, c’est ce qui se faisait au Canon Sportif de Yaoundé avant. Tous les Camerounais, jusqu’au Président de la République supportaient le Canon Sportif de Yaoundé ».
Après cette période de gloire du club marqué par quatre sacres continentaux remportés à la fin des années 70 et au début des années 80, le club plonge dans une vague sombre. Les intérêts « égoïstes » prennent le dessus sur l’essentiel. « A l’époque actuelle, les gens ont mis le football de côté pour des luttes politiques en choisissant pour cible certains clubs mythiques du football Camerounais. Tous ces clubs ont été plongés dans un désordre qui n’a pas de raison d’être. D’où ce grand retard. Pour réussir cette machination, il fallait d’abord diviser les supporters. Il y a eu des bagarres et autres… On a donc duré pendant au moins 10 ans dans les problèmes. Quand, on ne veut pas un dirigeant, on l’enlève. Conséquence : on ne peut avoir que des résultats négatifs », lâche Roger Ebode.
L’homme qui transportait sur son dos le Fondateur du Canon, feu Manga Belibi Jacques, pour venir causer avec les dirigeants du Canon et les joueurs avec fierté pense que l’arrivée du Conseil d’administration conduit par Placide Mevoua apporte un souffle nouveau au club. « il y a un travail de fond qui est fait. Les énergies sont fédérées et on voit quelque chose de grand qui se prépare. Depuis deux saisons, nous jouons les Play-offs. Si c’était une saison normale l’année dernière, on devait être champion. Les joueurs perçoivent régulièrement leur salaire et c’est bien », confie Roger Ebode.
S’agissant de la situation actuelle du football camerounais, Roger Ebode né le 6 octobre 1953 à Yaoundé dénonce l’attitude de certains présidents de club tout en félicitant le travail effectué par Samuel Eto’o et son équipe à la Fecafoot : « Tous les dirigeants du football Camerounais aujourd’hui ne parlent pas un même langage. Dernièrement, vous avez vu des présidents de club tenir des réunions simultanément à Yaoundé et à Douala. Pourtant, à l’époque, tous les présidents de club étaient unis. Ils s’accordaient pour aller parler d’une même voix avec le président de la Fecafoot. Pas ce que nous vivons aujourd’hui. C’est l’occasion pour moi de vous dire que j’approuve l’arrivée de Samuel Eto’o à la tête de la Fecafoot. Parce que, quelque part, on ne peut pas faire des omelettes sans casser les œufs. Je ne dis pas que tout ce qu’il fait est bon car aucun être humain n’est parfait ».
Arrivé au Canon Sportif de Yaoundé comme un passionné et un technicien de surface, Roger Ebode a gravi les échelons en étant promu tour à tour : Chargé de mission et Directeur Général au sein du club. Aujourd’hui, il occupe le poste de Directeur Général Adjoint et son plus grand rêve est de : « voir le Canon tonné comme par le passé en remportant des titres. Pas seulement ceux du Cameroun mais aussi à l’extérieur de manière à ce que nous puissions ajouter des étoiles sur le maillot du club », Conclut-il.
Par Junior NTEPPE KASSI
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