Agé de 51 ans, l’actuel président de la Fédération Camerounaise de Judo par ailleurs Directeur Sportif en Chef à l’Union Africaine de Judo est présenté comme l’une des personnes qui ont révolutionné la pratique du Judo au Cameroun.
Dans le monde du judo camerounais, le nom de Me Alain Christian Kingue Dihang résonne avec respect et admiration. Né le 13 août 1973 à Yaoundé, Alain Christian a grandi dans une famille où l’excellence et l’engagement étaient des valeurs fondamentales. Son père, Monsieur Dihang Jean, était un pionnier dans le domaine de l’édition en Afrique noire francophone, et sa mère, Madame Ndondock Agnès, travaillait comme Secrétaire dactylo à une époque où les machines de dactylographie étaient encore en usage. Elle a aussi été déléguée médicale. Ce qui lui a permis de travailler dans des pharmacies.

Ses débuts dans le Judo
La passion d’Alain Christian pour le Judo a commencé dès son plus jeune âge. Il est influencé par son voisin, Didier Mbella Mbappé, fils de l’ancien ministre de l’Éducation nationale. Didier, qui pratiquait le Judo depuis 1978, initia Alain Christian à ce sport à Bastos, un quartier huppé de la ville de Yaoundé où ils résidaient. Cette introduction précoce au Judo a semé les graines d’une passion qui deviendra plus tard une vocation.
En entrant au CES de Mballa II en classe de 6e lors de l’année 1984, puis au Collège la Retraite en classe de 5e un an plus tard, Me Alain Christian Kingue continue à s’entraîner. Il participe ainsi à la création du club de Judo au sein de l’établissement aux côtés de ses ainés Martino Benae et Alain Bibanga. Son engagement et son dévouement ont rapidement fait de lui un leader dans ce sport. Il commence alors à envisager un avenir dans le Judo, non seulement comme athlète, mais aussi comme entraîneur et manager.

Une carrière sportive et académique impressionnante
La carrière sportive de Me Alain Christian Kingue a pris une nouvelle dimension lorsqu’il a rejoint les Forces Armées et police (FAP), un club de judo civil au Cameroun entrainé par Feu Me Tchagou Christophe à cette époque-là. Cet engagement lui a permis de participer à des compétitions nationales et à développer ses compétences en tant qu’athlète et entraîneur.

En 1991, Me Alain Christian Kingue perd son père, le pilier de la famille. Cette épreuve l’incite à donner une nouvelle orientation à sa vie. Il décide alors d’aller s’installer en France pour approfondir ses connaissances en Judo. Sur place, il se perfectionne dans l’entraînement et commence à envisager un rôle dans l’encadrement et le management des Judokas. « Je suis allé en France et je me suis rendu compte que le système était tellement vissé que pour atteindre le très haut niveau dans la pratique de la discipline, il fallait passer par plusieurs étapes. Et surtout quand on était étranger, ce n’était pas facile. Les étrangers avaient des stades au-delà desquels ils ne pouvaient pas aller. J’ai ainsi pris l’option de me perfectionner dans l’entraînement et l’encadrement des Judokas. Et à force de voir ce qui se passait dans le management des clubs en France, je me suis demandé pourquoi les clubs sont aussi bien organisés en France alors que même notre fédération qui est censée être l’organe faitier du judo au Cameroun n’a pas une organisation d’un club français. Cette inspiration m’est venue pour pouvoir dire que j’allais apporter ma modeste contribution au Cameroun », explique Me Alain Christian Kingue.

La création du Panthers Judo Club
En 1993, Alain Christian retourne au Cameroun avec une vision : apporter sa contribution au développement de la pratique du Judo dans son pays natal. C’est ainsi qu’il fonde le Panthers Judo Club la même année. « Avant de retourner au pays, le Centre Sportif Universitaire (CSU) de Mont-Saint-Aignan situé dans une banlieue de Rouen en France où j’étais étudiant, à travers le responsable du CSU m’a offert un tatami. C’est avec ce tatami que je suis rentré au Cameroun pour la première fois en 1993 pour ouvrir le club Panthers. On a ouvert d’abord le club Panthers du côté de Dragage avant la SNH. Et c’est là-bas qu’on l’a développé. On a commencé avec le Judo pour enfant avec deux athlètes, le fils du bailleur et un voisin de l’ambassade des Etats-Unis qui avait son enfant qu’il emmenait. Et ensuite, nous avons développé, jusqu’à ce que ce soient devenu ce qu’il est aujourd’hui », argumente le président de la Fecajudo.

En même temps, Me Alain Christian Kingue relance ses études universitaires. Il s’inscrit en Faculté des Sciences politiques et juridiques à l’Université de Yaoundé II Soa, où il obtient un Master en Droit Privé. Parallèlement, il suit des formations professionnelles spécialisées dans la gestion du sport, notamment à la Semmelweis University en Hongrie, en partenariat avec la Fédération Internationale du Judo. « Je me suis inscrit à la Semmelweis University en Hongrie dans le cadre de la formation des entraîneurs de Judo de haut niveau. Et avec une autre université aussi où ils ont une coopération dans le cadre de la formation des managers des organisations sportives avec la Fédération Internationale de Judo. Au terme de ces formations qui aura duré neuf mois, j’ai obtenu l’UDJM, c’est-à-dire un diplôme de manager du Judo et des organisations sportives Ensuite, j’ai eu un diplôme d’IJF Instructor, International Judo Federation Instructor, qui est un diplôme d’entraîneur de Judo. Puis, j’ai fait des formations aussi avec le Comité International Olympique (CIO) et la Solidarité olympique à travers les cours avancés en entraînement. Cette formation m’a permis d’avoir les diplômes de niveau 1 et 2 d’entraineur de Judo. Ensuite, j’ai fait des formations en France, dans le cadre privé. Et j’ai fait tout récemment le Cours d’Avancement et de Management du Sport (CAMS) de la Solidarité olympique. C’est chapeauté ici au Cameroun par le Comité national olympique et sportif du Cameroun. Tout cela m’a permis d’avoir de nombreuses connaissances et opportunités », précise le Directeur Sportif en Chef de l’Union Africaine de Judo.

Un rôle clé dans la Fédération Camerounaise de judo
L’engagement de Me Alain Christian Kingue dans le Judo prend au fil du temps, une dimension nationale. Porté à la tête de la Ligue Provinciale du Centre, il commence à imprimer sa marque. « Entre 2004 et 2008, nous avons dirigé la Ligue Provinciale du Centre. Je peux vous garantir qu’à cette époque, les gens comparaient même la Ligue à la fédération. Et on a même eu quelques bisbilles avec la fédération, parce qu’elles estimaient qu’on lui faisait de l’ombrage alors qu’en fait, ce n’était pas notre but. Nous étions juste victime de notre dynamisme », lâche en souriant Me Alain Christian Kingue. Motivé par les autres Judokas, il décide se porter candidat à la présidence de la Fédération en 2009. Malheureusement, il est battu lors du scrutin. Mais cela ne décourage pas le jeune loup aux dents longues. Il travaille avec l’exécutif élu durant ce mandat. Il tente à nouveau sa chance au cours du processus électoral de 2013. Cette fois sera la bonne. ll est plébiscité par les membres de l’Assemblée générale et devient président de la Fédération Camerounaise de Judo (Fecajudo) le 23 mars de cette année-là. Son objectif est clair : développer et vulgariser le Judo dans tout le pays. Il se met tout de suite au travail. « Nous avons formé plus d’une quarantaine d’entraîneurs. Nous avons formé les entraîneurs à la Semmelweis University en Hongrie. La plupart des entraîneurs de Judo de notre pays sont qualifiés maintenant. Ceux qui n’ont pas pu faire ces formations internationales ont eu droit à des séances de restitution au niveau national », indique Me Alain Christian Kingue.

Depuis 2013, il a également augmenté le nombre d’arbitres mondiaux camerounais, passant de deux à cinq, dont lui-même. Sous sa direction, la Fecajudo a connu une croissance significative. Le nombre de clubs affiliés est passé d’environ 20 en 2013 à près de 70 à 80 aujourd’hui. Le nombre de licenciés a également augmenté, passant de 1481 en 2024 à près de 2000 en 2025 loin des 213 licenciés trouvés à son arrivée en 2013. La fédération a également amélioré son autonomie en termes d’infrastructures et de matériel, avec une surface de tatami de 800 mètres carrés permettant d’organiser plusieurs compétitions simultanément. Elle dispose également d’un Dojo National Ultra moderne et bien équipé construit dans la commune de Soa à Yaoundé avec l’appui de l’ambassade du Japon au Cameroun, de la Fédération Internationale de Judo et d’autres partenaires. « La construction de cette infrastructure a donné une bouffé d’oxygène à la Fédération sur le plan national à travers la réduction de certains coûts de compétition liés à la location des salles. A côté de ce Dojo, nous sommes en train de développer un centre d’hébergement », indique le président de la Fecajudo.

Un leader africain du Judo
L’influence de Me Alain Christian Kingue dans le Judo ne se limite pas seulement au Cameroun. Il est depuis 2019, le Directeur Sportif en Chef de l’Union africaine de Judo. A travers ces fonctions, il est le responsable de la coordination des compétitions sur le continent, de l’application des règlements, et de la gestion des engagements des pays. Il est également délégué technique de la Fédération Internationale de Judo dans les compétitions multisports.
Se confiant à notre rédaction, Alain Christian attribue une grande partie de son succès et de son inspiration à son mentor, le président de la Fédération Internationale de Judo, Monsieur Marius Vizer. « Il m’a fait confiance dès notre première rencontre en 2013. Il m’a offert deux surfaces de Tatami pour me permettre de développer le Judo au Cameroun. Et, il m’a donné les conseils. Chaque fois que je suis allé vers lui, soit pour un conseil, soit pour un appui, soit pour un accompagnement, il ne m’a jamais répondu par la négative. Je vous dis que depuis 2013 que j’ai rencontré Monsieur Marius Vizer, chaque année, il fait une action en direction du Judo camerounais », témoigne Me Alain Christian Kingue.

Une vision pour l’avenir
Aujourd’hui, Me Alain Christian Kingue Dihang a une vision claire pour l’avenir du Judo au Cameroun et en Afrique. Il est convaincu que la formation des ressources humaines et la construction des infrastructures adéquates sont essentielles. Il souhaite également que les Judokas soient des modèles pour la société, profitant de leur sport sur tous les plans. Il encourage aussi les jeunes à embrasser le judo avec discipline, passion et croyance en soi, plutôt que pour des gains pécuniaires.
Par Junior NTEPPE KASSI

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